Une soirée dédiée à l’avortement sécurisé au Cameroun

Vendredi 26 septembre 2025: j’ai eu l’immense plaisir de participer à une soirée artistique organisée par la Société des Gynécologues et Obstétriciens du Cameroun (SOGOC) pour la commémoration de la Journée Mondiale de l’Avortement médicalisé ou sécurisé célébrée chaque 28 septembre.

Moi (en jaune) et d’autres participants à la soirée artistique

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), entre 39 000 et 47 000 femmes et filles décèdent chaque année des suites d’une Interruptions Volontaires de Grossesses (IVG) non médicalisée. Ces IVGs non sécurisées demeurent une crise sanitaire et humanitaire majeure car elles nous font perdre entre 106 et 128 filles/femmes par jour. Un fléau que nous pouvons bien stopper en menant un certain nombre d’actions comme ces deux que j’ai retenu au cours des échéances.

Élargir la sensibilisation  sur l’avortement sécurisé

Au Cameroun comme dans plusieurs pays du monde, parler de l’avortement reste une abomination. Plusieurs personnes voient en celà un tabou, un mot qu’il ne faudrait même pas prononcer car il salit l’image de la famille et de la communauté.

À une certaine époque, je faisais partie de ceux qui pensaient que l’avortement ne devrait pas être pratiqué. Que tout grossesse venait de Dieu et que Lui seul détenait le pouvoir de vie où de mort. Je voyais les choses ainsi car je grandissais dans une famille chrétienne (catholique romain) avec ma grand-mère qui était catéchiste d’une Petite Communauté Chrétienne de la All Saints Parish de Bayelle à Bamenda à l’époque et c’était très normal.

En prenant de l’âge et en découvrant certaines réalités de la vie qui sont loin de ce qui est dit par la religion qui évolue elle-même avec le temps, j’ai un peu baisé la garde.

Grâce aux sessions de sensibilisation organisées par la Société des Gynécologues et Obstétriciens du Cameroun (SOGOC), j’ai compris que l’avortement n’était pas un tabou et qu’il existait une forme légale de celui-ci, en fonction des circonstances. L’avortement médicalisé.

Simulation d’un débat entre le Gouvernement (qui ne veut pas faciliter les choses) et la société civile (qui défend cette cause) sur l’avortement sécurisé

Le Ministère de la Santé Publique, des affaires sociales, de la promotion de la femme et de la famille et d’autre acteurs de la société civile devraient mener des campagnes pour vulgariser ces services. Faire comprendre aux populations que dans le contexte camerounais, les femmes et filles victimes de viols ont le droit à un avortement médicalisé. Que les grossesses présentant un danger pour la santé physique ou mentale de la mère ou du fœtus, peuvent être avortées. Sauf que, tout ceci doit se faire dans un cadre sécurisé et en conformité avec la loi, l’éthique et la déontologie médicale. Un avortement effectué selon les prescriptions de  donc par des professionnels de santé qualifiés à le faire, dans un endroit sécurisé avec un plateau technique adéquat.

Il faut accroître les communications autour des procédures liées à ce type d’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG). Ceci évitera que nos filles et femmes se réfugient chez les “docta du quartier” pour ce service qui dans la plupart des cas, cause des dégâts énormes sur leur organisme (stérilité, décès, etc.).

Dr Anny Ngassam, Secrétaire Général Adjoint de la SOGOC

Pendant cette soirée artistique, Dr Anny Ngassam, Secrétaire Général Adjoint de la SOGOC, nous a rappelé que malgré les restrictions de la loi, il existe quand même des soins après avortement clandestins dans les services hospitaliers. Mais à cause de la peur et de la stigmatisation, et même le manque d’informations, plusieurs femmes et filles préfèrent mourir en silence après ces avortements réalisés par des personnes non qualifiées. D’où la nécessité d’augmenter les actions de sensibilisation déjà menées sur le terrain.

Améliorer la législation en faveur de l’avortement sécurisé

Si l’on regarde le Protocole de Maputo qui a été ratifié par l’État du Cameroun (malgré ses réserves), on peut bien dire que l’avortement n’est plus un crime et que les femmes et les filles sont sauvées. Mais, il y a toujours un problème. Il y a quand même cette nuance à faire car le Code Pénal camerounais dit le contraire et ceci reste punissable. Il interdit toujours aux camerounais de pratiquer les IVGs, même si celà se fait dans des cas exceptionnels mentionnés plus haut.

Pour renforcer la lutte contre la mortalité maternelle liés aux avortements non médicalisés, il serait aussi judicieux pour le législateur camerounais d’alléger les procédures et les délais judiciaires pour bénéficier d’une IVG recommandée par les professionnels de la santé (OMS).

Moon Girl, artiste slameuse

Enfin, je peux dire qu’en synchronisation avec le thème de cette année « L’avortement sécurisé est un soin de santé qui sauve des vies », la soirée a été marquée par diverses prestations artistiques de la jeune slameuse Jennifer Akoh, connue sous le nom de Moon Girl (fille de la Lune). Elle nous a raconté l’histoire tragique d’Anita, une jeune fille de 19 ans dont l’avenir a été fauchée à cause des complications liées à un avortement pratiqué dans de mauvaises conditions. Elle nous a aussi rappelé que le silence ne payait pas (Silence no dey pay…) face à ce fléau, et que la stigmatisation augmentait plutôt les cas de décès liés à l’avortement clandestin.

Affiche en anglais de la Journée Mondiale de l’Avortement Sécurisé

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