OAPI – UNFPA : Quand l’innovation devient un levier d’autonomisation pour les femmes camerounaises

Du 17 au 21 novembre 2025, l’Hôtel La Falaise de Yaoundé a accueilli deux ateliers majeurs qui pourraient bien redessiner l’avenir de l’innovation et de l’agrobusiness portés par les femmes. Une initiative ambitieuse, signée OAPI (Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle) et UNFPA (Fonds des Nations Unies pour la Population), qui place la créativité, la propriété intellectuelle et l’entrepreneuriat féminin au cœur du développement.


Deux ateliers complémentaires pour propulser les femmes vers l’autonomie économique

1. Pour les filles et femmes des filières techniques

Les jeunes ingénieures, étudiantes en STIM et professionnelles du secteur technologique ont été réunies autour de thématiques stratégiques :

  • créativité et innovation technologique ;
  • découverte du brevet et des outils de protection ;
  • valorisation commerciale des inventions ;
  • transfert de technologies vers l’industrie ;
  • leadership féminin dans la transformation industrielle.

Ces modules, animés par des experts de l’OAPI, de l’UNFPA et de partenaires techniques, visent à créer un nouveau réflexe : protéger, valoriser et commercialiser les idées issues des écoles et laboratoires camerounais.

2. Pour les femmes entrepreneures de l’agrobusiness

Du 19 au 21 novembre, un second atelier a accueilli des productrices, transformatrices et commerçantes rurales ou urbaines, issues de réseaux et coopératives locales. Cet atelier visait à leur apprendre à transformer leur savoir-faire en marque déposée, en brevet, en indication géographique ou en modèle industriel, afin d’accroître la rentabilité, conquérir des marchés et protéger leurs produits.


Pourquoi maintenant ? Parce que les chiffres parlent… et inquiètent

Au Cameroun, les femmes représentent :

  • 62 % de la main-d’œuvre agricole,
  • 80 % de la production alimentaire,
  • mais seulement 15 % des dépôts de brevets à l’OAPI.

Un paradoxe dénoncé avec force par les deux partenaires. Pour elles, il ne s’agit plus seulement d’aider les femmes à produire : il faut désormais les outiller pour créer, protéger, valoriser et commercialiser.

D’où la mise en œuvre du Projet AFPI, un programme de 1,6 milliard de FCFA, destiné à accompagner des projets pilotes au Cameroun et au Burkina Faso, pour que l’innovation ne reste plus un simple exercice académique… mais devienne un moteur économique.


Des discours qui frappent fort !

Lors de l’ouverture, deux interventions majeures ont marqué l’assistance.

Prenant la parole au nom du Représentant Résident de l’UNFPA Cameroon, Mme Ndondock Agnès Christele a relevé que chaque brevet non déposé, chaque invention non protégée, est une opportunité économique perdue. Pour elle,

«Nous ne voyons pas seulement des chiffres… nous voyons des idées non financées, des inventions non protégées. Et un potentiel économique gigantesque encore inexploité.»

Elle a insisté sur la nécessité de libérer le potentiel des jeunes femmes, de connecter l’université à l’industrie, et de faire émerger un véritable écosystème féminin d’innovation.

De même, avec une franchise rare, l’ingénieur Nnoko Magui représentante du Directeur Général de l’OAPI, a mis le doigt sur un autre paradoxe :

«Que représente la femme dans l’agriculture ? On les voit dans les marchés, on les voit cultiver. On les voit commercialiser. Mais est-ce qu’on les voit transformer ?»

Pour elle, le défi est clair : changer le mindset, rapprocher les générations, et donner à la femme la place qu’elle mérite dans la production scientifique, industrielle et commerciale.


Satisfaction chez participantes

Au terme de l’atelier, les participantes ont exprimé un profond sentiment d’enrichissement, chacune repartant avec de nouveaux outils, une vision élargie et une motivation renouvelée.

Pour Ngono Biloa épse Ahanda Cunégonde, bayam-sellam au marché du Mfoundi, la formation a été un véritable déclic. Elle explique avoir compris que son activité peut aller beaucoup plus loin si elle adopte une démarche professionnelle fondée sur l’honnêteté, le respect de la clientèle et l’hygiène. «On doit être propre, ne pas engueuler les clients et consommer bio.» confie-t-elle, assurant qu’elle compte désormais améliorer la qualité de ses produits pour offrir le meilleur à sa clientèle.

De son côté, Anne Célestine Kegne Momo, chercheure indépendante et lauréate du Prix de l’innovation de la région du Centre, voit dans cet atelier une étape déterminante. Spécialiste du cacao et de la biodiversité, elle affirme avoir enfin compris comment valoriser son savoir. «J’ai compris que je pouvais apporter mon savoir au monde en valorisant effectivement l’innovation, c’est à dire avoir désormais une image de marque, la protéger et fédérer avec les ingénieurs et les autres chercheurs qui sont institutionnels ici pour trouver un juste milieu qui permettra que mes produits et mes produits de la recherche soit davantage positionnés sur le marché, positionnés dans le monde scientifique pour servir aux générations futures.»

Pour Momo Manuela, élève-ingénieure à l’École Nationale Supérieure Polytechnique de Yaoundé, l’expérience a été tout aussi transformative. Elle dit avoir acquis une ouverture d’esprit qui lui permet désormais de relier ses enseignements académiques à la vie réelle et d’imaginer un business futur viable. Elle se dit également surprise par la facilité d’accès aux services de l’OAPI et se sent désormais mieux outillée pour protéger ses projets, entreprendre et développer ses compétences en management et en innovation.

Dans l’ensemble, les participantes ressortent de l’atelier confiantes, motivées et pleinement conscientes du potentiel qui sommeille en elles, prêtes à transformer leurs idées en véritables solutions.


Un impact national attendu

Ces ateliers, organisés dans quatre régions du Cameroun (Littoral, Centre, Adamaoua et Ouest) formeront :

  • 140 femmes de l’agrobusiness,
  • 120 étudiantes et femmes ingénieures,
  • et créeront des réseaux régionaux capables de transformer durablement les pratiques.

À travers ces formations, l’OAPI et l’UNFPA veulent initier une vague nouvelle : une génération de créatrices, innovatrices et entrepreneures capables de peser dans l’économie nationale et régionale.

Et à en croire l’énergie des participantes et l’engagement des institutions, cette révolution silencieuse ne fait que commencer.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

error: Content is protected !!