Cameroun : Crise post-électorale et maintien de l’ordre, la difficile équation des droits humains

L’élection présidentielle du 12 octobre 2025 a été un moment crucial pour la démocratie camerounaise. Si le scrutin s’est globalement déroulé dans le calme, les jours qui ont suivi ont mis en lumière de vives tensions politiques, des violences localisées et un usage préoccupant des réseaux sociaux pour diffuser des messages de haine et de désinformation. Dans ce contexte, le respect et la protection des droits de l’homme demeurent au centre du débat national.


Résultats officiels de l’élection présidentielle du 12 octobre 2025

 • Paul Biya (RDPC) : 53,66 %
• Issa Tchiroma (FSNC) : 35,19 %
• Cabral Libii (PCRN) : 3,41 %
• Bello Bouba Maïgari (UNDP) : 2,45 %
• Tomaino Ndam Njoya (UDC) : 1,66 %
• Joshua Osih (SDF) : 1,21 %
• Ateki Seta Caxton (PAL) : 0,87 %
• Hiram Iyodi (FDC) : 0,40 %
• Serge Espoir Matomba (PURS) : 0,35 %
• Bougha Hagbe (MCNC) : 0,30 %
• Kwemo Pierre (UMS) : 0,28 %
• Akere Muna (UNIVERS) : 0,22 %


Chronologie des événements clés

12 octobre 2025 : Élection présidentielle. Des irrégularités et fraudes massives sont signalées, incluant falsification des procès-verbaux et bourrage des urnes.

14 octobre 2025 : Le candidat Issa Tchiroma Bakary revendique sa victoire sur la base des résultats compilés dans les bureaux de vote, invoquant le principe de transparence et la publicité du scrutin. Cette démarche suscite une forte réaction des autorités, qui rappellent que seul le Conseil constitutionnel est habilité à proclamer les résultats officiels.

15 octobre 2025 : Des manifestations éclatent dans les villes de Garoua, Douala, Dschang, Limbe et Bafang, dénonçant la fraude électorale. Des bâtiments publics et privés sont vandalisés, y compris des domiciles et véhicules officiels.

21 octobre 2025 : À Yaoundé, des partisans d’Issa Tchiroma Bakary manifestent sur l’axe Palais des Sports-Palais des Congrès. Les forces de maintien de l’ordre dispersent la foule à l’aide de gaz lacrymogène. À Garoua, Dame Zouhaïra, enseignante, est mortellement touchée par une balle perdue.

22 octobre 2025 : Descente du préfet Emmanuel Mariel Djikdent à Yaoundé pour lancer un appel au calme, en particulier aux commerçants du marché central.

24 octobre 2025 : Arrestation et déportation d’Anicet Georges Ekane, président du MANIDEM, à Yaoundé. D’autres personnalités, dont le Pr Aba’a Oyono et M. Djeukam Tchameni, sont également en garde à vue.

26 octobre 2025 : Journée de manifestations à Garoua et Douala. Quatre personnes décèdent à Douala et plusieurs autres à Ngaoundéré. Barrages, gaz lacrymogène et camions à jets d’eau sont déployés pour sécuriser les axes stratégiques.

27 octobre 2025 : Le Conseil constitutionnel proclame Paul Biya vainqueur de l’élection présidentielle avec 53,66 % des voix.


Les victimes et incidents notables

  • Dame Zouhaïra (Garoua) : enseignante, décédée par balle perdue.
  • 4 personnes (Douala, 26 octobre) : décès suite aux manifestations.
  • Autres villes sous tension : Bafang, Mbouda, Bamenda, Bertoua, Guider.
  • Dommages matériels : véhicules, bâtiments publics et domiciles privés incendiés.

Maintien de l’ordre et protection des citoyens

Face à une situation explosive, les autorités ont déployé des forces de sécurité dans les principaux foyers de tension. Les barrages, véhicules anti-émeutes, jets d’eau et gaz lacrymogène ont été utilisés pour contenir les foules et protéger les civils. Par endroit, la population coopère avec les forces de sécurité en livrant les manifestants faiseurs de trouble.

Le ministre Paul Atanga Nji a dénoncé les appels à l’insurrection et les manifestations illégales, rappelant que celles-ci ont conduit à des pertes humaines et matérielles.


Droits humains et justice

Les arrestations, bien que justifiées par la protection de l’ordre public, soulèvent des questions sur le respect des droits fondamentaux. Des personnalités politiques et militants sont en garde à vue, parfois sans assistance juridique. Notons toutefois que la transparence et le contrôle citoyen du processus électoral sont essentiels pour garantir la sincérité du scrutin et la légitimité des institutions.

La sortie médiatique du candidat Issa Tchiroma Bakary, en revendiquant sa victoire sur la base de résultats partiels, s’inscrit dans un cadre légal précis : l’article 113 du Code électoral prévoit la publicité immédiate des résultats de chaque bureau de vote. Cependant, la fragilité du processus électoral, marquée par des irrégularités et la suspicion de fraude, a exacerbé les tensions. Les autorités sont confrontées à un défi majeur : concilier sécurité et ordre public avec le respect des libertés et droits humains.


Situation sécuritaire : un retour progressif au calme sur l’ensemble du territoire

Ce 29 octobre 2025, la situation sécuritaire s’améliore nettement dans plusieurs régions du Cameroun. À Douala, le gouverneur du Littoral, Samuel Dieudonné Ivaha Diboua, a effectué une descente sur le terrain en compagnie de son état-major pour évaluer la situation. Parcourant les principales artères de la capitale économique, il a constaté avec satisfaction que la vie reprend progressivement son cours normal. Les marchés de Ndogpassi, Nyalla, PK12 et PK14 ont rouvert, et les commerçants reprennent timidement leurs activités. Le gouverneur a saisi l’occasion pour sensibiliser les populations à la vigilance et au respect de l’ordre public, tout en félicitant les forces de défense et de sécurité dont les patrouilles constantes ont permis le retour au calme. La pénétrante Est est désormais de nouveau ouverte à la circulation. Avant cette tournée, le gouverneur avait réuni les délégués régionaux et chefs de service pour leur enjoindre de reprendre pleinement le travail administratif.

Dans la région de l’Ouest, la situation reste sous contrôle grâce à la vigilance des forces de l’ordre. Le Commandant de Compagnie des Hauts-Plateaux a annoncé ce même jour le démantèlement d’une cellule terroriste qui projetait d’incendier des édifices publics, d’attaquer des domiciles et de semer la terreur à Baham, Batié, Bangou, Bamendjou, Bafoussam et Bandjoun. Cette cellule, dirigée par un adjoint de l’imam de la Mosquée Centrale de Baham, était financée par un militant du MRC, M. Kamwa Pierre, ancien inspecteur d’État à la retraite. Les autres membres du réseau sont en fuite et activement recherchés. Les autorités appellent la population à rester vigilante et à collaborer étroitement avec les forces de sécurité pour préserver la quiétude retrouvée.

À Yaoundé, les services de renseignement ont procédé à l’interpellation d’un opérateur économique soupçonné de vouloir financer des troubles à l’ordre public. Il a été surpris en possession de plus de trois millions de francs CFA, qu’il aurait destinés à des conducteurs de mototaxis en vue d’organiser une manifestation. Une enquête a été ouverte pour déterminer les complicités éventuelles et les motivations réelles derrière cette tentative.

Ainsi, malgré les tensions post-électorales, le Cameroun retrouve progressivement sa stabilité, grâce à la mobilisation des autorités administratives, à la vigilance des forces de sécurité, et au sens de responsabilité des citoyens décidés à préserver la paix et la cohésion nationale.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

error: Content is protected !!